Maladies non transmissibles, maladies infectieuses, programmes de santé publique : tous ont été affectés par la pandémie au Sénégal. L’occupation des lits d’hospitalisation et les restrictions dans le transport urbain ont eu un impact certain sur la gestion de la santé depuis l’arrivée de la Covid-19.Seynabou Ndiaye, est une jeune dame originaire de la ville de Thiès à 70 km de Dakar. Elle était venue dans la capitale sénégalaise pour accompagner sa grand-mère malade.
« La prise en charge était difficile. Ma grand-mère, âgée de 86 ans est à la fois diabétique, hypertendue et souffrait d’insuffisance rénale. Le personnel nous disait ne pas avoir assez de places et ne pouvait pas prendre de patients qui ne présentaient pas les symptômes de la Covid-19», raconte Seynabou. Cette situation, beaucoup d’autres accompagnants de malades l’ont vécue. Face à la pandémie, plusieurs hôpitaux ont été orientés quasi-exclusivement vers la prise en charge des malades de la Covid-19.
« Quand je suis allé à l’hôpital, j’ai indiqué les symptômes au médecin. Sans aucune consultation, il me répond vous avez le palu », témoigne de son côté Saliou Bathily qui déplore la manière dont il est a été traité dans un établissement public de santé à Dakar.
Le Dr Ismaïla Kane de la clinique Maimouna à Rufisque, vieille ville à l’est de Dakar, témoigne que « des patients ont été négligés à cause de la Covid » ce qui lui fait craindre que l’état de ces personnes, souffrant d’autres pathologies, auraient pu « s’aggraver » durant cette période.
La psychose s’était installée des deux côtés, chez les patients comme chez le personnel soignant. « Quand j’étais allée au Centre Hospitalier Universitaire (Chu) de Fann, à Dakar, pour une prise de sang, l’infirmière m’a regardée, quand j’ai toussé. Elle ne voulait même plus me faire face alors que j’avais porté un masque », témoigne Cécilia, une jeune Gabonaise de 21 ans, résidant à Ouakam, un quartier de la capitale sénégalaise.
L’arrivée de la Covid-19 et la pression qu’elle a exercée sur les services de santé, ont perturbé le traitement des principales maladies chroniques, présentes au Sénégal, notamment les maladies Non Transmissibles (MNT) : le diabète, les maladies respiratoires chroniques, le cancer et les maladies cardiovasculaires.
« Les maladies non transmissibles comptent à elles seules plus de 40 millions de décès dans le monde par an », selon Dr Bente Mikkelsen, Directrice de la division des maladies non transmissibles à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans le bulletin d’information du 4 septembre 2020 de l’organisation. Au Sénégal, l’OMS estime que les MNT sont responsables de 42 % de tous les décès.
Les personnes atteintes de ces MNT courent un plus grand risque de complications ou de décès dus à la Covid-19, a rappelé Dr Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, dans un document daté du 12 octobre 2021 et disponible sur le site web de l’organisation.
Dr Moeti n’a d’ailleurs pas manqué de souligner que d’autres maladies chroniques ont aussi besoin d’être suivies. Beaucoup d’entre elles sont laissées pour compte.
Au-delà de ces MNT, les maladies dites infectieuses, telles que le paludisme, l’insuffisance rénale, le VIH-Sida et la tuberculose, sont aussi des pathologies qui affectent de nombreux patients au Sénégal. Ces derniers aussi ont besoin de soins dans les grands hôpitaux, qui se trouvent concentrés à Dakar. Mais, avec l’apparition de la Covid, l’accès à ces soins était devenu de plus en plus difficile, en raison de l’urgence sanitaire mondiale.
« Nous faisions plus des soins à domicile et nos patients nous appelaient pour des conseils. C’était les meilleures stratégies pour pouvoir continuer les soins », soutient docteur Aboubacar Thiandoum, médecin à la Clinique Maimouna de Rufisque. Selon lui, ces stratégies étaient mises en place pour protéger les patients contre le virus.
Au Sénégal, des déficits de lits d’hospitalisation et le manque d’effectifs qualifiés ont causé une situation de mauvaise prise en charge des autres maladies.
Lors de la deuxième vague de la Covid-19 qui (11 décembre 2020 au 19 mars 2021), Ousmane Dia, Directeur national des établissements publics de santé au ministère de la Santé et de l’Action sociale avait décrit une situation de saturation. « Nous sommes débordés et proches de la saturation, avec quasiment 99 % de taux d’occupation des 602 lits qu’il y a à Dakar », avait-il souligné, dans un entretien accordé à l’Agence France Presse (AFP) et publié le 27 juillet 2021.
Par ailleurs, les restrictions liées à la Covid-19 ont conduit à une baisse considérable des consultations au niveau des hôpitaux.
Les restrictions dans le secteur du transport inter-urbain ont provoqué des perturbations dans les programmes de traitement et réduit les déplacements de certains patients vers Dakar ainsi que l’accès aux grands hôpitaux, dont l’essentiel se trouve dans la capitale sénégalaise.
« Un de mes patients qui souffre d’une insuffisance cardiaque n’a pas pu venir à Dakar pour se faire soigner parce qu’il était en voyage. Durant la première vague, il était presque impossible de se déplacer », déclare docteur Babacar Sow de la clinique Dabakh des Parcelles Assainies, quartier populeux dans la banlieue de Dakar.
La crise sanitaire a ainsi changé le mode e fonctionnement des hôpitaux. Y compris pour la Covid-19, le Sénégal a fini par opter pour la prise en charge à domicile des cas simples sans comorbidités pour les personnes âgés de moins de 60 ans, afin de décongestionner les CTE.
Et ce n’est pas seulement l’accès aux hôpitaux qui a posé problème. Les programmes de santé publique aussi ont été touchés par l’apparition de la pandémie. La vaccination des enfants par exemple a sérieusement été affectée.
A titre d’exemple, une étude réalisée en août 2020 dans l’unité de vaccination du centre hospitalier Abass Ndao révèle que pour les vaccins administrés à la sixième semaine, le nombre de doses était de 36 en 2018, 29 en 2019 et 15 en 2020.
Selon l’Unicef, le Sénégal a retrouvé un taux de couverture vaccinale de 95 % pour la première dose de rougeole-rubéole et une couverture de 96 % du vaccin Penta 3 (protection contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche) à la fin 2020.
Cette situation n’est pas exclusive au Sénégal. Dans le monde, en 2020, ce sont au total 23 millions d’enfants qui ont été privés des trois doses de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche, contre 3,7 millions en 2019, selon un rapport de l’ONU cité par Atlas Magazine.
Au début de la crise sanitaire, selon les chiffres du même rapport, le taux de vaccination contre la coqueluche était de 86%. Il est passé à 83% en 2020.
Des dysfonctionnements ont également été notés dans l’approvisionnement de certains médicaments. Selon Moulaye Ndiaye, étudiant dans une école supérieure de communication à Dakar et asthmatique, « à l’hôpital, il n’y avait pas assez de masques à oxygène ».
La psychose aidant, des malades croyaient souffrir de la covid-19 alors qu’il s’agit d’une autre pathologie. « J’ai reçu une quinzaine de personnes ayant le même cas. La majeure partie de ces patients souffraient de la grippe », déclare Dr Alimatou Fall de l’hôpital de Pikine, dans la banlieue de Dakar.
D’après le professeur Daye Ka, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales et membre du groupe de gestion de la Covid-19, cité dans un document publié le 11 juin 2021 par l’OMS, « il a été décidé d’augmenter la capacité litière, notamment les lits de réanimation, mais aussi d’impliquer d’autres spécialistes à la prise en charge». Un moyen de mieux assurer le suivi des malades ne souffrant pas de la Covid-19, mais qui ont tout autant besoin de soins.
Pape Moussa SEYDI L2, Mame Penda Ndiaye, L3, Hadjara Hamadou Doulla, L2