Des «propos choquants» sur l’Afrique attribués au président américain Donald Trump ont envahi les réseaux sociaux ces derniers temps. Sur la messagerie WhatsApp en premier avant de se propager sur le réseau social Facebook. Sont-ils authentiques ?
Par Aliou FAYE (L3)
« Parlant hier au Nebraska, Trump a déclaré que les Africains sont des esclaves vivant comme des esclaves dans leur propre pays, mais ils prétendent qu’ils sont indépendants. Il est honteux pour les dirigeants africains de chercher la sortie de la CPI (…). Je pense qu’il n’y a pas de raccourci vers la maturité et, à mon avis, l’Afrique devrait être recolonisée parce que les Africains sont encore sous l’esclavage ». Tel est un extrait d’un discours dans le Nebraska, au centre des Etats Unis, attribué au nouveau locataire de la Maison Blanche via la messagerie WhatsApp.
Donald Trump répondait, selon un texte reçu sans source, à un journaliste sud-africain qui voulait recueillir son avis sur certains pays africains qui ont manifesté le désir de se retirer de la Cour pénale internationale (CPI).
Quelle est la source de l’information ?
Lorsque nous avons reçu l’information via la messagerie WhatsApp, le premier réflexe, c’est le recoupement. Mais pour un papier dépourvu de source ni de lien qui pourrait nous renvoyer vers l’origine, l’hypothèse d’un fake news n’est pas à écarter.
Il a fallu copier quelques phrases du texte puis coller sur le moteur de recherche Google pour avoir une idée sur les médias qui ont traité voire repris l’information. Parmi ces médias, au Sénégal, Senenews.com et Excusif.net.
Idem pour le site d’information malien Malinet.net qui, semble-t-il, a retiré l’information de son site quelques jours plus tard.
En cliquant sur le lien, nous avons comme résultat de recherche « Désolé pour ce malentendu, la page est déplacée ou renommée ».
Une information parue depuis décembre 2016
En parcourant tous les sites qui ont eu à reprendre l’information, il est indiqué en haut de leurs pages respectives un post datant de décembre 2016. Une période coïncidant avec l’élection de Donald Trump qui a été installé officiellement dans ses fonctions le 20 janvier 2017. Sur Senenews.com, l’information est postée le 12 décembre 2016. Pour Africtelegraph.com, autre site qui a repris l’information, il est mentionné le 14 décembre.
Pourquoi le discours a refait surface ?
C’est depuis jeudi 27 juillet 2017 que ce discours vieux de sept mois, dont on ignore toujours l’origine, a refait surface. Certains n’hésitent même pas à le partager sur les réseaux sociaux sous l’angle d’une information nouvelle et qui suscite pas mal de commentaires. Parmi les résultats obtenus sur Google, seul Malinet.net a repris, l’information le 24 juillet avant de le retirer deux jours plus tard.
Des sites de parodies africains à l’origine ?
Pour une « information » de cette importance, ni les médias américains ni les grands médias occidentaux, ni les médias africains sérieux ne l’ont relayée. Seuls les sites d’informations peu connus du grand public et les blogs l’ont reprise.
A chaque fois, le mode de traitement est le même. A la fin de l’article on peut lire : «Transféré tel qu’il a été reçu ». Ce qui fait croire que cette rumeur provient de sites spécialisés dans l’information parodique.
C’est le cas du site ivoirien investirenpayssenoufo.com qui a repris la même information. A la fin de son article, il ajoute ce commentaire : « la vérité blesse ». En visitant ce site, beaucoup d’éléments nous font croire que celui-ci est parodique. D’autres sites parodiques africains qui ont repris l’information : le Hoaxbuster, première ressource francophone sur les canulars du web.
D’autres preuves de falsifications
Les médias parodiques inventent l’information tout en utilisant l’humour. Dans cette déclaration attribuée à Trump, ces sites peuvent se baser sur quelques éléments pour inventer l’information. D’abord le choix de Trump peut être expliqué par ses différentes sorties parfois déplacés pendant la campagne présidentielle aux Etats Unis.
Le nom du prétendu journaliste sud-africain et l’organe auquel il appartient restent inconnus. Le choix de l’Afrique du Sud peut être expliqué par le fait que ce pays est le premier en Afrique à exprimer son désir de quitter la CPI.
Que retenir ? On est en présence d’un fake news
Dans ce « discours choquant » attribué à Donald Trump paru en décembre 2016, beaucoup d’éléments renvoient à un fake news. Aucun média crédible n’a rendu compte de ce discours. Ce qui porte à croire qu’il provient des sites parodiques. La mise en scène est complétée par le choix de Trump et du « journaliste sud-africain » dont le pays envisage de quitter la Cour pénale internationale.