L’UEMOA peine-t-elle à transformer 2 % de sa production de coton ?

« L’UEMOA transforme à peine 2 % de sa production de coton », a déclaré Jonas Gbian, commissaire chargé de l’Agriculture, des Ressources en Eau et de l’Environnement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dans un article du journal Enquête du 23 juillet 2020.
Nous avons tenté d’entrer en contact avec Jonas Gbian pour savoir sur quoi il s’est basé mais en vain.

Quelles sont les données disponibles sur ce sujet ?
Nous avons cherché les preuves de cette affirmation.
La production de coton en Afrique francophone connaît une augmentation depuis quelques années. Communément appelé « l’or Blanc », le coton est l’un des secteurs de développement du continent. Selon, l’UEMOA, c’est « un secteur clé ».
L’UEMOA est une organisation ouest-africaine composée de huit Etats membres : Bénin, Burkina-Faso, Cote d’ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo.
Elle a pour but de réaliser l’intégration économique de ses Etats membres en favorisant un libre échange sécurisé de biens et services. Liés par l’usage d’une monnaie commune, le franc CFA, les huit pays de l’UEMOA partagent également des pratiques culturelles communes.
Sur la dernière campagne entièrement bouclée de 2018-2019, le Bénin arrive en tête du classement des plus grands producteurs de coton dans l’espace UEMOA avec 712.000 tonnes. Le classement se présente comme suit :

Sur la campagne 2018-2019, les pays de l’UEMOA ont donc produit 2.954.000 tonnes de coton.
Comment transforme-t-on le coton ?
Fibre végétale qui entoure les graines de cotonniers, le coton est la première fibre textile du monde. Sa transformation suit un procédé bien particulier à savoir d’abord le séchage, ensuite l’égrenage puis le stockage.
Le séchage consiste dans le fait d’étendre du coton à l’air et au soleil pendant quelques jours.
L’égrenage se passe à l’intérieur d’une usine et consiste à séparer les fibres suffisamment longues des graines, éliminer leurs débris.
Le stockage consiste à conserver le coton dans un entrepôt. Il est mis en attente pour être mis dans les balles. Il s’agit donc de comprimer le coton égrené et l’empaqueter en balles de 230 kg environ.
Le circuit peut être donc retracé simplement : après avoir la récolte du coton graine, les graines sont extirpées au cours d’un processus d’égrenage pour produire le coton-fibre. La graine est triturée pour obtenir l’huile alimentaire, les aliments de bétail et pour la saponification. Le coton-fibre est blanchi pour divers usages (coton hydrophile, hygiène, etc.) ou converti en fil par filature. Le fil est ensuite soit tissé (en majeure partie), soit tricoté. Les tissus produits sont principalement utilisés pour la confection de vêtements et d’articles ménagers
Quel pourcentage de coton transformé ?
Les contacts avec la Commission de l’UEMOA nous ont permis d’avoir les chiffres sur le pourcentage de coton transformé dans chaque pays de l’UEMOA.

Campagne 2014
« La Côte d’Ivoire est le pays de la sous-région qui possède le potentiel le plus élevé en matière de transformation de la fibre (14 000 tonnes), suivie du Mali (13 690 tonnes), du Bénin (9 074 tonnes) et du Burkina Faso (5 400 tonnes). Pourtant, en termes de transformation effective, les informations disponibles montrent que le Sénégal est le pays qui utilise le plus son potentiel productif (76 %) suivi du Burkina Faso (65 %) et du Mali (60 %). Le Bénin emploie 53 % de sa capacité de transformation installée, contre 25 % pour les filatures ivoiriennes. »

Quelles sont alors les différentes usines de transformation du coton dans l’UEMOA ? La liste de chacune des sociétés de transformation se présente également comme suit :

Campagne 2019

Nous avons joint Mora Sero, membre de la commission de l’UEMOA par mail qui nous précise qu’« aujourd’hui en 2020, la COTEB du Bénin a fermé. Nous sommes désormais à moins de 10 unités fonctionnelles. »

Nous avons alors essayé de vérifier le chiffre de « 2 % de coton transformé » annoncé par le commissaire, en prenant contact avec chacun des pays de l’UEMOA pour avoir leurs avis sur ces propos et leurs chiffres par rapport au coton dans leurs pays.

Le président du Burkina, Roch Marc Christian Kaboré a reconnu le faible taux de transformation du coton dans les pays africains. Selon les chiffres du ministère du Commerce du Burkina Faso de 2018, le Burkina Faso transforme au maximum 3 % de son coton.

«Nous produisons en moyenne 600.000 tonnes de coton par an et nous ne  transformons pas plus de 3 %. », a déclaré le ministère du Commerce, lors du Salon International  du coton et du textile (SICOT)

Nous avons pu avoir Cheick Ahmed Bamba Fall, cadre à la Société de développement et des fibres textiles du Sénégal (SODEFITEX) qui a expliqué que le chiffre de « 2 % » est même largement au-delà de ce qu’on peut avoir au Sénégal.

« Nous avons vendu que 2 balles de 200 kg sur cette année, vous vous imaginez ? Plus de 99 % de notre production est destinée à l’exportation. Nos principaux acheteurs sont le Bangladesh, le Vietnam ou encore le Pakistan. Nous avons quasiment aucun acheteur africain», a-t-il précisé.

La question de savoir ce qui empêche la transformation du coton au Sénégal, il a répondu : «Nous nous heurtons à un problème de compétitivité sur le marché. Pour transformer du coton par exemple, il faut de l’énergie pour alimenter les usines. Le coût de l’énergie au Sénégal ne favorise pas cela ».

« Ensuite, même si nous le transformons, qui nous l’achète ? Le Mali commence à trouver un tout petit peu de solution grâce à ses tissus bogolans qui sont faits à partir de son coton transformé »,  a-t-il ajouté.

Pour sa part, Baba Berthé, directeur général de la Compagnie malienne pour le développement du textile  du Mali précise, à propos de son pays « que le taux de transformation locale a reculé au cours des 5 dernières années pour se situer autour de 1 % aujourd’hui »

Que retenir ?

Le commissaire de l’UEMOA Jonas Gbian a affirmé que les pays membres de l’institution régionale transforment à peine 2 % de leur production de coton. Selon les données disponibles, en 2019, les principaux producteurs de coton de la région sont en dessous de ce chiffre. Le Sénégal et le Mali sont même en dessous de ce pourcentage.

L’information est donc en grande partie vraie. Même le Burkina Faso qui affiche le meilleur chiffre ne « dépasse pas 3% ».