Rencontre : l’Afrique devant le jury des universitaires

 

La place du souvenir africain à Dakar

Par     Abdou Aziz Cisse (L3)

Un des panels du colloque pour la  commémoration du 30ème anniversaire de la conférence de Dakar a rassemblé des intellectuels et universitaires africains afin qu’ils déclinent leur Afrique. Felwine Sarr professeur d’économie à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, Godwin Murunga directeur exécutif du conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), Bouba Diop et Samba Thiam professeurs d’histoire et de droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) et Christo Nel directeur du village Leadership Consulting à l’université de Stellenbosch en Afrique du Sud se sont prêtés au jeu.

La Place du Souvenir africain était une après-midi complète le point de rencontre de l’intelligentsia africaine. Le prétexte : la commémoration du 30ème anniversaire de la conférence de Dakar entre une délégation du congrès national africain (ANC) et l’institut pour une Alternative démocratique en Afrique du Sud (IDASA) en 1987 sur l’avenir de l’Afrique du Sud.  Le thème du colloque « la force du dialogue hier, aujourd’hui et demain ».

Cette rencontre a vue la participation de beaucoup d’universitaires dont Felwine Sarr. Pour l’auteur d’Afrotopia, l’Afrique étant l’objet de discours et de défis civilisationnels doit : « jouer un rôle important en posant la question de la perspective et sortir de l’urgence du développement ».

Godwin Murunga  prône une rupture avec le panafricanisme « institutionnel » : «  le nouveau panafricanisme sera avec les peuples et ne sera point sans eux ». Le directeur exécutif du Codesria propose à la jeunesse africaine un retour vers le panafricanisme comme « soubassement d’un développement pérenne » car, selon le chercheur, tous les mouvements de libération en Afrique ont été panafricains avant d’atteindre leur but ultime comme le combat contre l’apartheid «un triomphe du panafricanisme ».

Christo Nel, la voix à peine audible, interroge le présent et ses opportunités et en tire un optimisme qui peut sembler naïf à certains égards. Le directeur du village Leadership Consulting à l’université de Stellenbosch constate des « initiatives salutables et à encourager » de la part de jeunes africains.

« Les résidus du colonialisme »

Ancien médiateur de l’Ucad huit ans durant, le professeur Bouba Diop « rompu » à la tache de la médiation pour avoir pris part à un projet de recherche de l’Institut de Gorée sur la Médiation en Afrique de l’ouest constate que les africains ont assimilé la médiation dans leur culture. »

Par ailleurs, celui qui fut pendant vingt ans coordonnateur du réseau paix et droits humains au Conseil international d’Education des Adultes (CIEA), résume les facteurs prépondérants des conflits sur le continent aux « résidus du colonialisme et à un manque d’évaluation des systèmes de médiation.»

 Prenant la parole à la suite du Pr Diop, l’ancien ambassadeur du Sénégal en Afrique du Sud et modérateur du panel, Samba Mboury Mboup, suggère à l’auditoire une « solution africaine tirée de notre histoire commune.»

Le linguiste est un adepte de la muntocratie qui pour lui est « plus forte que la démocratie ». C’est un système politique basé sur l’ubuntu, terme popularisé par l’archevêque Desmond Tutu et présent dans presque toutes les langues bantu. Cette notion est plus proche de « l’humanité et la fraternité que de tout autre mot français.» 

Professeur de droit à l’Ucad, Samba Thiam, reconnait d’emblée « la culture du dialogue en Afrique » et illustre ses propos avec la charte du Kouroukan Fouga (charte adoptée par les représentants du Mandé et leurs alliés réunis en 1236 à Kouroukan Fouga actuel cercle de Kangaba au Mali).

Samba Thiam, directeur de l’Institut des droits de l’homme et de la paix (IDHP) de l’UCAD,  replace la justice et les droits de l’homme au cœur du futur de l’Afrique. « Sans une justice équitable et la préservation des droits de l’homme, on ne peut parler de développement durable », affirme-t-il relevant que tout ceci serait impossible sans un retour aux valeurs de l’éducation.

Au bout de son argumentaire, M. Thiam magnifie la justice transitionnelle. Celle-ci permet à des sociétés sortant d’un conflit « de faire face à des violations graves des droits de l’homme et combler la défaillance des mécanismes normaux de régulation institutionnelle », à l’instar de la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, mise en place après l’apartheid et présidée à l’époque par l’archevêque Desmond Tutu.

Beaucoup des questions sont restées en suspens tel que le rôle des femmes et de la jeunesse dans ce futur entre autres. Mais comme l’a si bien rappelé Felwine Sarr « les réponses d’hier n’étant pas celles d’aujourd’hui, notre défi c’est de trouver des réponses à nos interrogations actuelles.»